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Jean-Marc Jacquier

Hommage à Jean-Marc Jacquier

Proposé par Éric Verney, membre du Conseil Administratif de l’ILS.
Crédit photo Guillaume Veillet.

C’est avec une bonne bouteille de blanc, comme Jean-Marc aimait à en partager, que j’aimerais rendre hommage à ce grand homme, qui nous a tous profondément inspirés et tirés vers le haut.

Jean-Marc est né le 10 mai 1949, la même année que mon père, élément loin d’être anodin car c’est bien comme un père culturel, sprirituel, symbolique que je le voyais. Il nous a quittés le 25 mars de cette année, une éternité déjà. C’est au 14e congrès de la Ligue Savoisienne à Duingt, en octobre 2009, que j’ai réellement rencontré Jean-Marc. Nous avions mangé l’un en face de l’autre au banquet, et j’avais été très impressionné par ses gros yeux roulants derrière ses lunettes, qui donnaient l’impression qu’on ne pouvait rien leur cacher. Jean-Marc ne disait pas un mot de trop, mais on pouvait se voir en miroir dans ces yeux et son regard, qui ne manquaient jamais de bienveillance. Evidemment j’étais doublement impressionné ce jour là, car je connaissais la Kinkerne, dont j’avais appris les chansons en savoyard, récupérées je ne sais où et vénérées comme des trésors d’alchimiste.

Nous nous sommes ensuite revus chez lui, à Ville-la-Grand, où je suis allé le visiter en compagnie de mon ami Alban Lavy. C’est là que j’ai découvert sa collection d’instruments alpins, et son incroyable capacité à tous pouvoir les jouer. Il finira par faire don de sa collection au conseil départemental.

Nous nous sommes régulièrement revus, notamment dans les festivals, fêtes de l’arpitan, boeufs, à Boëge, Yverdon, Saint-Nicolas. D’ailleurs souvent en compagnie de la famille Bertolo-Boniface.

En 2011 j’avais besoin de ses conseils pour valider le plan de mon livre “Patois arpitan et chansons de nos grand-pères Savoyards”. Il a donc fallu que je monte le trouver aux Brasses où il jouait avec la Kinkerne pour le Feufliazhe, avant de partir sans rentrer chez lui pour une virée estivale alpine. Y étant monté pour la soirée, j’y suis resté 3 jours, sans tente j’ai dormi sous la pluie, et je dois indirectement à Jean-Marc d’avoir démarré ma carrière de danseur folk. La danse m’a permis de multiplier encore les rencontres avec Jean-Marc, ce que l’indépendantisme avait initié et l’arpitan consolidé. Au décès de Rémi Gay il était évidemment encore là avec toute la bande des Chablaisiens, et nous avons encore passé une soirée inoubliable.

Mais peut-on oublier une soirée passée avec Jean-Marc, même après plusieurs bouteilles de blanc ? Difficile pour moi d’écrire ces mots sans que les larmes me viennent. Jean-Marc remplissait vraiment le rôle d’un père pour moi. Bienveillant, inspirant, encourageant. Le 2 avril j’ai rêvé de Jean-Marc Jacquier, il me montrait comment prédire les victoires à venir en étudiant l’issue des conflits passés. Je lui disais toute ma joie de le retrouver en rêve et de savoir que je pouvais le revoir affranchi des limites physiques. Ce type était un Maître.

Grant-maci pèr tot Jean-Marc, santât!, et a bensetout p’t’étre ben.

🖊 Éric VERNEY

De nouvelles personnes autour de l’institut

Grâce à nos actions nous avons le plaisir de pouvoir compter sur davantage de personnes autour de l’institut.

L’infolettre pour se rapprocher des visiteurs de notre site

L’infolettre nous permet d’attirer les curieux mais surtout d’entrer en contact avec eux. Nous avons plus de personnes inscrites à l’infolettre 2 et nous nous en réjouissons. Nous avons même une personne du Japon !

Les réseaux au service de la langue

Par les réseaux et notamment Discord qui draine les nouvelles générations vers du contenu divers et donc aussi sur du contenu linguistique. Les réseaux nous permettent de toucher un public qui s’intéresse à la langue et qui peut apporter sa pierre à l’édifice. Grâce à Discord nous avons 2 nouveaux bénévoles, Lucas et Matthias, qui nous aident dans certaines tâches dans l’équipe communication.

Tisser de nouveaux liens

Récemment nous avons rencontré des responsables d’associations avec qui nous sommes en relation comme le Centre d’études du francoprovençal ou d’autres associations linguistiques comme ChambradOc, Lo Congès (grâce à un nouvel adhérent de l’ILS, Luca qui aide dans le groupe de travail relation avec les associations externes à la Savoie). Nous rencontrons égalemment certains linguistes, notamment piémontais. Tout ce travail permet à l’institut de s’ouvrir, de ne pas être seul, de pouvoir bénéficier des expériences de chacun. Ce travail est très important.

Mais ce n’est pas tout ! Nous entrons en contact avec les responsables des différents sites valorisant la langue, d’anciennes personnes qui étaient proches de la langue il y a quelques années.

Entretenir la relation avec tous les amoureux de la langue est primordial et c’est ce que nous nous efforçons de faire.

L’ILS se structure et se donne des objectifs

Le bureau s’est renouvelé depuis quelques temps, il s’est rajeuni et porte de nouvelles ambitions.

De nouveaux objectifs

Le CA de l’ILS s’est réuni et a procédé à la définition des objectifs de résultats suivants :

  • Croître le nombre de locuteurs
  • Faire rentrer la langue dans l’espace public
  • Création de méthodes en ayant une langue neutre et une graphie mais en gardant les particularités

Le bureau

Le bureau se compose alors comme suit :

Président : Arnaud Frasse
Vice-Présidents : Marc Bron et [vacant]
Secrétaire : Franck Monod
Secrétaire-adjoint : Pierre Barrioz
Trésorier : Roger Viret
Vice-trésorier : [vacant]

Des opérations organisées

Afin de supporter les missions de l’ILS il a été défini des groupes de travail. Ces groupes de travail sont maintenant chargé de rassembler les bénévoles voulants travailler sur les sujets suivants :

  • Responsable du groupe de travail de la relation des associations savoyardes (sociétés savantes, terres d’empreintes, éco musée de Viuz, etc)
  • Responsable du groupe de travail de la relation des associations externes
  • Responsable du comité scientifique
  • Responsable du groupe de travail communication et marketing
  • Responsable du groupe de travail pédagogique

Pour rejoindre ces groupes de travail et nous soutenir, contactez nous à contact@langue-savoyarde.com

Franck Monod, secrétaire de l’ILS

Manifestation en réaction à la censure de la loi Molac

La nouvelle loi, également appelée loi Molac, qui devait notamment protéger les langues régionales, les promouvoir et renforcer leur place dans l’éducation nationale, a été en partie censurée par le Conseil constitutionnel vendredi dernier, le 22 mai 2021. Ceci à la grande colère de tous ceux qui ont à cœur les langues régionales de France…

Une délégation de plusieurs groupes savoyards à l’entrée de la préfecture d’Annecy, pour le compte du collectif « Pour que vivent nos langues ».

Et pourtant, tout avait si bien commencé !
Le 8 avril 2021 devait toutefois être une journée « historique » pour tous les défenseurs des langues régionales, avec l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi Molac (du nom du député breton du groupe Libertés et territoires) relative à leur protection patrimoniale et à leur promotion. Elle a été votée à une très grande majorité par 247 voix contre 76, mais a divisé la majorité présidentielle, dont une partie l’a contestée devant le Conseil constitutionnel.

Le vendredi 22 mai, le Conseil constitutionnel a ensuite censuré deux articles de la loi, considérés comme non-constitutionnels, l’un portant sur l’apprentissage de la langue en immersion, l’autre sur l’usage des signes diacritiques dans les documents officiels.

Pourquoi les signes diacritiques poseraient-ils problème ?
Dans la langue française, plusieurs signes diacritiques sont utilisés, dont les cinq signes courants que sont l’accent aigu, l’accent grave, l’accent circonflexe, le tréma et la cédille. Dans les différentes langues régionales de France, d’autres lettres diacritiques sont également utilisées, que l’on ne retrouve pas dans la langue française.

L’article 2 de la Constitution française précise que « La langue de la République est le français ». Cet article, renforcé par une circulaire de 2014, est utilisé à mauvais escient par les opposants aux langues régionales pour interdire l’utilisation d’autres lettres diacritiques (et empêchent, par conséquent, toute expression des formes écrites des langues régionales).

Récemment, nous avons observé des exemples en Bretagne ou au Pays Basque, où les représentants de l’État interdisent les prénoms écrits dans une langue régionale, parce que certaines lettres diacritiques n’apparaissent pas dans la langue française et seraient donc non-constitutionnelles. Aussi ridicule que cela puisse nous paraître, selon la logique des opposants, un enfant portant le prénom breton Fañch, serait une menace pour l’unité de la France en raison du tilde qui figure dans son nom.

Quelle est alors la position de l’Institut ?
L’Institut de la Langue Savoyarde remercie tout d’abord tous les députés qui ont voté cette loi, ainsi que tous les élus des différentes collectivités territoriales qui ont soutenu et encouragé les actions en faveur des langues régionales, en amont du vote de la loi.

Conformément à ses statuts, l’Institut est apolitique et s’abstient de tout commentaire politique. Cependant, il défend la protection et la promotion des langues régionales et c’est sur cette base qu’il s’est rangé derrière le collectif « Pour que vivent nos langues ».

Aujourd’hui, il existe en France encore de nombreux problèmes liés à l’inégalité pour les langues régionales. Bien que la langue savoyarde ne soit pas concernée par le problème des signes diacritiques, l’Institut est solidaire des autres langues régionales de France et estime que l’Etat devrait faire preuve de plus de souplesse dans cette situation.

En revanche, la langue savoyarde (appelé aussi arpitan ou francoprovençal au sens large) reste toujours discriminée par rapport aux autres langues régionales : à la différence du basque, du breton, du catalan ou du corse, le Ministère de l’Éducation nationale ne veut toujours pas reconnaître le savoyard. Ainsi, malgré de nombreuses manifestations, pétitions et lettres écrites aux ministres, les élèves savoyards n’ont pas le droit d’apprendre leur langue à l’école, contrairement à leurs compatriotes français.

Et maintenant ?
En raison de l’inégalité de traitement des langues régionales en France et de la censure partagée de la loi Molac par le Conseil constitutionnel, le collectif « Pour que vivent nos langues » continue à lutter dans quasiment toutes les régions de France pour réclamer un cadre juridique sécurisé pour la préservation et la promotion des langues régionales.

Dans la région savoyarde également, le samedi 29 mai, les représentants des groupes de défense de la langue savoyarde se sont regroupés devant la préfecture à Annecy pour apporter une lettre cosignée par les cinq groupes principaux, à savoir l’Institut de la Langue Savoyarde (ILS), l’Association des Enseignants de Savoyard (AES), Savouè Ecula 2 (Association de parents d’élèves pour l’enseignement bilingue), l’Alliance Culturelle Arpitane (ACA) et Lou Rbiolon (Fédération de groupes de langue savoyarde). Ils ont tous exprimé leur mécontentement à l’égard de la situation linguistique en France.

Amélie Gex

« Mademoiselle », comme on appelle Amélie GEX à la Chapelle Blanche, a le visage fermé. Ses beaux yeux si doux semblent éteints, ses traits habituellement empreints de bonté sont tirés et durs. Aujourd’hui, en ce printemps 1875, « Mademoiselle » quitte sa propriété de Villard-Martin, en grande partie vendue pour une bouchée de pain. Celle de Villard-Léger a été vendue le mois dernier sans parvenir à combler toutes les dettes du docteur Gex et, sans fortune, presque sans le sou, « Mademoiselle », part définitivement avec son amie Annette, pour Chambéry, rue de la Trésorerie.

Elle a tort de s’attrister, car à Chambéry elle va découvrir une autre vie et révéler aux yeux de tous, ses grands talents d’écrivain. Mais elle ne le sait pas encore.

Rue de la Trésorerie, la maison est triste, insalubre, trop chère. Un déménagement pour un appartement rue de la gare s’impose. Mais sans argent, c’est toujours le trou noir, jusqu’au jour où son cousin Charles Burdin, ami de l’imprimeur Ménard, lui propose d’écrire dans le journal du Père André.

Pour Amélie, c‘est enfin la possibilité de gagner sa vie et puis, le Père André, journal républicain, lui convient parfaitement, car elle aurait gardé sa foi en Dieu, mais a depuis longtemps envoyé par dessus l’épaule la foi en l’Eglise. Outrée par le comportement scandaleux du curé de la Chapelle Blanche, outrée par les abus du clergé toujours acoquiné avec le pouvoir qu’elle dénonce, elle ne pratique plus sa religion, défend le petit peuple, veut instruire les paysans, soutenir la vie des femmes et le journal lui offre une tribune exceptionnelle.

Mais, comment écrire ? Les encouragements de Mme Marcillac la stimulent, mais ne suffisent pas. Elle souffre le diable ! Ses rhumatismes la torturent. Tenir sa plume est un supplice. Jamais elle ne pourra réussir. Pourtant, il faut vivre et elle a grande envie de vivre ! A la Chapelle Blanche elle avait écrit quelques poèmes, « avec (son) coeur et un peu de lecture », mais aujourd’hui, il faut écrire pour le journal et en français, puisqu’ « on est français jusqu’au cou !». Elle va faire ce qu’elle sait faire : des poèmes. Ils feront chanter le Père André et, espère-t-elle, chanter l’« émo » des Savoyards.

Comme les temps sont à la politique, son premier poème est : L’opinion de Jean sur les élections, pour dire leur fait aux hommes politiques truqueurs, menteurs qui profitent des petits et des humbles. En voici quelques extraits :

Le pêinsé de Dian chu le-s-élechon

Air : Allobroge vaillant

Dêpoué voui zord d'ai rechu pe la pôsta 


D' què fâr'on moué de lettre et de zornaux. 


D'êin ai rechu mé que Monchu de Costa 


Mê que le pape et tô so cardinaux. 


U-s-abit blanc, u portu de blouse 


Tô çlo papié font tant de compliméint, 


Tant de-s-histuére et diont si belle chouse 


Que plus de ion (bis) le comprêind pas lamint. 


 Refrain 


Mâgré voutro discor et mâgré voutro prôno, 


Incroâ de Savoué, 


Et vo, nôble-s-avoué, 

Le râi n'ira p'onco s'achètâ su son trôno 


Si lu faut ma voué, rien que ma voué ! 


Noutra Sasson n'âme pas le-s-affiche 


De lo marquis que m'appélont : « Monchu ». 


- De çlo deniâ, quoui payera le miche ? 


Dian, sara tê ; te pou comptâ dechu.

Y a bin longtêimps qu'i ramelon sêin cessa 


Qu'i no baront plu d'bouro que de pan ; 


Mais, va tié leû, comptêint chu leu promessa, 


Avant d'êintrâ (bis) t'faré sovêint : pan ! Pan !… 


 Refrain 


Mâgré voutro discor… 


-Vouâ, t'â râison, Sasson, la Républica 


N'a pas besuin, com' on râi, de valet, 


Et chur, tié li, pe porta 'na supplica, 


Lo païsan êintreront preu solet. 


Léchon lo grou fâre leu reverance 


Pe quinze jor, i no font bon séinblant, 


I l'ont tot l'an pe se conflâ la panse. 


Faut trop de brin (bis) p'ingréché lo bou blanc ! 
Depuis huit jours j'ai reçu par la poste

De quoi faire un tas de lettres et de jounaux.

J'en ai reçu plus que Monsieur de Costa,

Plus que le pape et tous ses cardinaux.

Aux habits blancs, aux porteurs de blouses

Tous ces papiers font tant de compliments,

Tant d'histoires, disent tant de belles choses

Que plus d'un (bis) ne les comprend pas seulement.

 Refrain

Malgré vos discours et malgré vos prônes,

 Curés de Savoie,

 Et vous, nobles aussi,

Le roi n'ira pas encore s'asseoir sur son trône

S'il ne lui faut que ma voix, rien que ma voix.

Notre Françoise n'aime pas les affiches

De ces marquis qui m'appellent : « Monsieur ».

- De ces dîners, qui payera les miches ?

Jean, ce sera toi, tu peux compter dessus.

Il y a bien longtemps qu'ils rabâchent sans cesse

Qu'ils nous donneront plus de beurre que de pain ;

Mais, va chez eux, comptant sur leur promesse,

Avant d'entrer (bis) tu feras souvent : pan ! Pan !...

 Refrain

Malgré vos discours...

- Oui, tu as raison, Françoise, la République

N'a pas besoin, comme un roi, de valets,

Et sûr ; chez elle, pour porter une supplique,

Les paysans entreront assez seuls.

Laissons les puissants faire révérence

Pour quinze jours, ils nous font bons semblants,

Ils ont toute l'année pour se gonfler le ventre.

Il faut trop de son (bis) pour engraisser les bœufs blancs !

D’autres poèmes agrémenteront les pages du Père André : La chanson des deux poulets célèbre le triomphe de la République, La complainte  du conscrit, pleure avec le soldat qui prend « pour cinq ans de gamelle » et attend impatiemment la paix. Tous deux, ainsi que les suivants,

sont signés par Dian de la Jeânne, car la signature d’une femme ne ferait pas sérieux.

Tous les poèmes ont un grand succès. Amélie est heureuse. Elle chante et maintenant que la réussite se confirme, elle prévoit pour l’année 1878, une série de poèmes tout Au long de l’an. Ses douleurs sont toujours présentes, mais presque dominées par l’ardeur de la création littéraire et lorsque qu’en 1879, l’imprimeur Ménard lui propose la direction du journal le Père André, elle l’accepte avec grand plaisir.

Elle a la responsabilité de la direction et de la rédaction entière du journal. Amélie est aux anges. La charge de travail la distrait de ses douleurs. Elle va pouvoir s’adresser comme elle le souhaite à « ses paysans », les soutenir et surtout les instruire. Elle veut enseigner des méthodes de culture, promouvoir des rapports directs entre producteurs et consommateurs, dénoncer l’exploitation des paysans par des marchands sans scrupule, instruire les femmes de leurs droits, leur enseigner des règles d’hygiène, d’économie domestique de tenue de maison. Il y a tant à faire et à dire !…

Le journal est rénové, publié dans un format différent, plus grand. Chaque numéro comporte : Un bulletin politique, un article d’enseignement sur l’agriculture, des « conseils à la fermière », un « petit code législatif du paysan », des offres de demandes agricoles, une chanson ou une fable en patois inédite de Dian de la Jeânne.

Durant toute l’année 1879 le Père André s’adresse ainsi au monde paysan pour le plus grand plaisir de sa directrice. Mais un soir de février 1880, Amélie reçoit la visite de son cousin Charles Burdin, flanqué de l’imprimeur Ménard. Ils se sont réparti les rôles. L’air grave et avec hésitations, Charles s’adresse à elle :

– Tu sais Amélie, les temps ont changé, les élections approchent, il nous faut un vrai politique à la tête du journal… 

Amélie a compris. Elle sait que son rôle à la tête du journal est terminé. Brusquement, un grand vide s’ouvre devant elle comme un précipice.

Ménard prend à son tour la parole.

– Nous aurons toujours besoin de toi, ma chère Amélie. Je vais créer un Almanach du Père André. Ce sera une petite brochure, pas chère, qui donnera « des renseignements utiles aux paysans et aux ouvriers » et dans laquelle Dian de la Jeânne pourra publier ses chansons. Et puis, dans l’Indicateur savoisien, pourront prendre place les contes que tu as écrits : les Récits de ma rue et de mon village et bien d’autres...

Amélie est émue. Tant de sollicitude la console de son échec avec le Père André. Aussitôt elle s’enflamme. Elle a tant à raconter. Si ses doigts qui la torturent le lui permettent, elle sait déjà ce qu’elle publiera dans l’Indicateur : des Récits étranges. Des vies antérieures ou récits spirites. Elle créera une nouvelle série : Histoire de ma rue et de mon village, avec des contes nouveaux : Jean de la Noce, Histoire de Roupioupiou la Sardagne, Histoire d’un tambour et d’un cheval de bois...

Mais ces contes ne paraîtront jamais. Un pèlerinage à Myans, change son programme. Révoltée par le spectacle qui est offert aux pèlerins, il faut qu’elle crie son indignation contre l’Église, hiérarchisée, insensible dans sa puissance, éloignée des préoccupations des pauvres. Elle écrit une élégie en prose : Notre-Dame de Septembre à Myans : « Ah ! s‘écrie-t-elle, à Myans l’antique sanctuaire savoisien… Tout était fait pour étonner et frapper l’esprit de ces paysans … Partout de l’encens, des lumières, de la musique, mais rien qui fut vrai, humain, évangélique… Eh ! Quoi prêtres, est-ce là ce que nous vous demandons ? Est-ce là ce qu’il faut à ces cœurs avides d’amour, à ces esprits confiants… ? »

Mais si elle réprouve les pratiques ecclésiastiques, elle croit en l’Evangile, aux paroles de charité et le Credo de Dian de la Jeânne affirme cet amour indéfectible pour les pauvres, sa confiance en un Dieu de miséricorde, tout en condamnant les « amateurs d’eleison » et les « croque-Jésus gloutons ». Aussi fait-elle paraître un long poème intitulé : A une âme sincère, qui affirme avec force et sensibilité sa confiance en Dieu et en la vie éternelle.  

Son poème n’émeut guère ses proches plus éloignés qu’elle de la religion, mais touche si profondément la population des croyants, qu’Amélie Gex reçoit comme un paradoxe, une lettre enthousiaste de l’archevêque de Chambéry. A une âme sincère, est couronné par l’Académie de Savoie et un premier prix de 400 francs est attribué à son auteur.

Auparavant et non sans humour, Amélie Gex avait adressé au docteur Guilland, « ancien président de l’Académie de Savoie » et nommé bibliothécaire de cette Académie, un poème intitulé : Les Autrefois, dont voici quelques extraits :

A MONCHU LE DOCTEUR GUILLAND

anchin président de l’Académie de Savoé.

Le-s-aûtrefâis, conte ma mâre, 


Quand elle a bio de vin borrû, 


N'y avâit pas tant de savâi fâre ! 


Lo garçons n'étont pas si drus… 


L'feille savont pas tant d'affâre… 

On viviève à la bonne fâi, 


Le-s-aûtrefâis ! 


Le-s-aûtrefâis, tié noutro maîtres, 


Quand y étâit 'na bona saison, 


Portu d'habits, portu de guétres, 


Tô danchévont pe trolliéson : 


Séin jalosie de chô bien-étre, 


Çacon partadiève so drâits 


Le-s-aûtrefâis ! 


…………………………………… 


Le-s-aûtrefâis, le zuéne feille 


Portâvon beguenn'élardia, 


Çeaûsse bien treya chu le greille, 


Motiu de lânna tot frandia. 


L'aront pas voliu rle manteille 


Que vo-s-étes fières d'avai, 


Le-s-aûtrefâis !… 


Le-s-aûtrefâis, quand on blondâve, 


On ne se catiève de nion : 


Feille et garçons, tot cé modâve 


Colli d'âlogne ou de guéfions ; 


A l'éimbrouni quand on tornâve,

Çacon s'éinfelâve tié sâi, 


Le-s-aûtrefâis !… 


Le-s-aûtrefâis !...quâi set d'y dire !

On le fara pâs reveni !...

A MONSIEUR LE DOCTEUR GUILLAND,

ancien président de l’Académie de Savoie.

Les autrefois, raconte ma mère

Quand elle a bu du vin bourru,

Il n'y avait pas tant de savoir-faire,

Les garçons n'étaient pas si drus…

Les filles ne savaient pas tant de choses...

On vivait à la bonne foi,

Les autrefois !

Les autrefois, chez nos maîtres,

Quand c'était une bonne saison,

Porteurs d'habits, porteurs de guêtres,

Dansaient pour les pressailles ;

Sans jalousie de ce bien-être,

Chacun partageait ses droits,

Les autrefois !…

…………………………………… 


Les autrefois, les jeunes filles

Portaient coiffe élargie,

Bas bien tirés sur les chevilles,

Mouchoir de laine tout frangés.

Elles n'auraient pas voulu ces mantilles

Que vous êtes fières d'avoir,

Les autrefois !...

Les autrefois, quand on faisait l'amour,

On ne se cachait de personne :

Filles et garçons, tout cela partait

Cueillir des noisettes ou des cerises ;

A la brune quand on revenait,

Chacun s'enfilait chez soi,

Les autrefois !…

Les autrefois !… A quoi sert de le dire !

On ne les fera pas revenir !...

 

L’hiver 1882-83 est glacial. Amélie supporte de moins en moins le froid. Ses rhumatismes la torturent. Elle ne quitte guère son fauteuil, ne peut presque plus tenir sa plume et elle tousse de plus en plus. Elle tousse, elle tousse, « n’y fait pas attention », mais au soir du 17 juin 1883, Amélie meurt dans les bras de son amie, Mme Landriani.

Son corps reposa pendant 15 ans dans le cimetière de Chambéry, puis, sa tombe disparut lors de l’agrandissement du cimetière. Son nom fut donné à une allée du parc de Lémenc. A Challes-les-Eaux, une rue porte son nom en souvenir d’elle. A la chapelle Blanche, une stèle est érigée en sa mémoire et le petit chemin qui mène à son ancienne propriété est joliment baptisé Le Chemin du Poète.

Mai 2016

Pierre Grasset

Assemblée Générale 2015

Vous pouvez consulter le procès-verbal de l’Assemblée Générale du 26 septembre 2015 en cliquant sur le lien ci-dessous :

PV AG 2015 -26sept15

Mas t-o que l’at por nom ceta bétye?

Vê-que na demanda qu’on pôt sè fâre quand on promène per los champs, los prâts, los jors, diens los vionnèts, pués asse-ben a l’hotâl, yo qu’y at des mouéls de petiôtes bétyes, pas tojorn galèses. O mancâve un lévro por nos prèsentar celos uséls, celes sarvagenes qu’on admire, celes bétyètes que des côps nos fant ressôtar, quand ils s’enfantont diens noutra chemise. Ora o est fêt, mémament ben fêt. En quaranta-huét pages (format A4 payisâjo) Nicolas Gey, homo de grant talent, fât lo tôrn de (quasi!) totes celes crèatures, avoué des mouéls de biôs dèssins. Adonc on sè rend comptio que mémament quand on at l’empression de ben savêr la lengoua, y at des diézênes, nan des centênes de mots pas cognus. T-o qu’il est na borra, un’èrbena, un bèc-a-fega, un tachèt? Pués des côps, on sât mémament pas los noms des femèles, des petiôts de les bétyes de la fèrma ben de la mêson.

Maque veriér les pages de ceti albon fât grant plèsir. On pôt cen fâre avouéc de megnâts, o est franc conselyê. Marquâ d’ « sèriox »: tota la dèrriére partia ‘l est consacrâye a la « lista des noms de les bétyes » en quatro colondes: nom francês, nom scientfico (latin), nom(s) arpitan(s), ôtros noms arpitans d’aprés les règions de noutron grant payis. Justament, fôdrat trovar la prononce de son cârro, mas o est un bon ègzerciço, pas tant dificilo quand on at retrovâ son accent, son môdo de prègiér, d’aprés l’ècritura comena empleyêe per l’ôtor.

« Los noms de les bétyes en arpitan ». Nicolas GEY & l’Alliance Culturèla Arpitana.
Arpitania.eu 24€

🖊 Alen FAVRO (orthographe globalisante)

Créer et diffuser en “langue régionale” occitan ou francoprovençal, enjeux et perspectives

17 novembre 2012
18 novembre 2012
Amis francoprovençaux de part et d’autre de nos frontières,
Vous trouverez en PDF tous les renseignements utiles concernant la rencontre sur le thème
Créer et diffuser en “langue régionale” occitan ou francoprovençal, enjeux et perspectives
organisée les 17 et 18 novembre prochains à l’occasion de
l’Assemblée générale de la section de langue d’oc du P.E.N. – club international au parc des expositions de Valence, dans la Drôme.
Auteurs, locuteurs ou amateurs, nous espérons vous y accueillir nombreux au lendemain des Assises des langues régionales de Rhône-Alpes de juin dernier, ainsi que de la Fête du francoprovençal de Bourg et du Forum des langues de Lyon des 22 et 23 septembre prochains.
Notre mobilisation solidaire fera une fois de plus la preuve, si cela est encore nécessaire, de la pertinence des engagements de la Région Rhône-Alpes en faveur de ses langues.
Merci de diffuser cette information auprès de tous vos contacts suceptibles d’être intéressés et dans vos organes de presse. Je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.
Marie-Christine Coste-Rixte
vice-présidente du P.E.N.-Club de langue d’oc pour la région Rhône-Alpes

Pétition de soutien à Charlène

Pour la reconnaissance de l’option Savoyard / Francoprovençal aux examens (baccalauréat, diplôme national du brevet) dès juin 2012

Pour signer la pétition, cliquez ici !

 

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Ministre de l’Education Nationale,

Charlène MADIOT, élève de terminale littéraire au lycée des Glières à Annemasse a écrit au mois de septembre 2011 en ces termes :
« M. le Ministre de l’Education Nationale,
Je suis actuellement en classe de Terminale littéraire au lycée des Glières à Annemasse.
Depuis la 6ème, j’ai étudié, au collège puis au lycée, notre langue régionale, le savoyard, appelée encore « francoprovençal ».
Je souhaite la présenter comme langue vivante III au baccalauréat.
Mais on m’a informé que cela ne semblait pas possible car dans l’académie de Grenoble, seule la langue régionale de la Drôme et de l’Ardèche appelée occitan ou vivaro-alpin figure comme option.
Je trouve que ce n’est pas juste que les départements de Haute-Savoie et Savoie soient évincés.
J’ai fait de nombreux efforts pour étudier le savoyard et sa littérature. Je l’ai aussi travaillée avec mon grand-père.
De plus, le francoprovençal est reconnu par l’Italie et m’a permis des échanges intéressants avec ce pays.
Monsieur le Ministre, je vous demande donc de m’autoriser à passer le savoyard / francoprovençal comme Langue Vivante  à la session de juin 2012 du baccalauréat.
Dans l’attente d’une réponse positive, je vous remercie d’avance. Charlène MADIOT. »

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Ministre de l’Education Nationale,

Charlène n’a toujours pas reçu de réponse. Depuis plusieurs années, des parlementaires savoyards, MM. FRANCINA, HERISSON, BOUVARD, le Président de la Région Rhône-Alpes, M. Jean-Jacques QUEYRANNE, les présidents des conseils généraux 73 et 74 MM. GAYMARD et MONTEIL, de nombreux élus, des associations et des citoyens vous ont déjà demandé la même chose. Vous ne les avez pas écoutés. Aujourd’hui, nous vous demandons de mettre fin à la discrimination qui touche les élèves de nos départements savoyards et de lui permettre de présenter l’option savoyard / francoprovençal au baccalauréat de juin 2012.

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Na novala banda dessenaye en savoyar

St’utiuan, y è Gaston Lagaffe, le travalieu de burô de Franquin, qu’è sourti dien nutra lengua. On l’a betâ a nom « Gust Leniolu », pè cen qu’él è to le ten dien lé niole! Tozhor mafi, jamé le go a l’uvra, on passe on bon momen avoué liu, avoué Belosse, avoué Letac et tu lous âtre. Y è tèpè na bouna dédiula pè que lou zhouvene ussan le go de s’approshi de nutra lengua!

Gust: la traducchon z-è de Marc BRON et l’éditeu, y è on Breton, Yoran Embanner, qu’asourti Lagaffe en mime ten en Alsachen, Corso, Catalan, Occitan et Wallon.

🖊 Marc BRON (grafia GIT)

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